Pour clôturer en beauté ce “Mois PrestaShop” sur Blog-Ecommerce, quoi de mieux qu’une interview de Bruno Lévêque, co-fondateur de PrestaShop ?
Bruno, c’est un peu notre Mark Zukerberg français : il reste concentré sur son code et ses utilisateurs, il est discret et a commencé très jeune sa start-up.
Ceux qui connaissent Bruno savent qu’il n’est pas arrivé là par hasard.
C’est une interview sans concession que nous avons, lui comme moi, souhaité vous proposer.
Alors bonne lecture, et merci à Bruno pour sa disponibilité.
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Bonjour Bruno, et merci pour cette interview.
Nous avons vu lors de ce “Mois PrestaShop”, la formidable communauté de PME qui gravitait autour du logiciel (des agences, des créateurs de modules, un hébergeur,). Nous sommes même allé jusqu’au Canada, avec l’Agence Web Karbon 21.
Première question toute simple : comment se porte PrestaShop ?
Bruno Lévêque : Bonjour Olivier et l’équipe Blog-Ecommerce.
Merci de m’accueillir dans vos colonnes.
L’année 2013 a commencé en fanfare et PrestaShop se porte très bien ! Nos indicateurs clés (nombre de nouvelles boutiques, durée de vie des boutiques, chiffre d’affaires) sont au vert et même en forte progression.
Nous sommes à l’équilibre depuis septembre dernier et même profitable désormais. Notre place de marché PrestaShop Addons (là où s’achètent les modules) connait elle aussi une forte augmentation de son trafic, son taux de transformation a également été multiplié par 2. Les agences créatrices de modules que tu as interviewées lors de ce “Mois PrestaShop” t’ont d’ailleurs confirmé cette nette tendance.
Coté produit, nous venons de publier la version 1.5.4.1 qui apporte quelques nouveautés et toujours plus de stabilité/performance. Nous avons reçus de très bons échos de cette release de la part de nos agences partenaires et marchands.
Depuis la sortie de la 1.5 en septembre 2012, les efforts de notre équipe se sont essentiellement concentrés sur la stabilité de cette version. Elle est aujourd’hui utilisée par plus de 40% de notre parc de boutiques et ce nombre est en progression constante chaque mois.
Nous avons également apporté de la nouveauté grâce à la « Gamification » que nous proposons depuis la version 1.5.4. Elle rend le processus de création d’une boutique e-commerce ludique et guide les marchands quant aux indicateurs clés à surveiller – sous la forme de badges et récompenses attribues au fil de leur réussite.
Pour les versions à venir (1.5.x et 1.6), nous souhaitons apporter de la fraicheur et améliorer l’ergonomie du Back-office PrestaShop. Il est vrai que la v1.5 est très complète et qu’il est parfois difficile de s’y retrouver pour un marchand qui démarre.
Nous venons donc de recruter un graphiste spécialisé UI/UX avec qui je travaille depuis plus de 10 ans. Basé dans nos bureaux de Levallois, il apporte aux équipes techniques son savoir-faire pour produire de belles interfaces utilisateurs.
Maintenant que nous avons atteint une bonne stabilité, l’étape suivante est de connaître dans le détail nos utilisateurs et modifier le logiciel en ce sens, avec, par exemple, des conseils donnés aux marchands en fonction de leur typologie et ancienneté. Nous souhaiterions également proposer en v1.6 un nouveau tableau de bord, leur permettant de piloter leur activité plus efficacement.
Enfin, notre antenne commerciale américaine se développe très bien aussi. Nous nous y sommes installés dans un souci de mieux appréhender ce marché et de continuer à y gagner des parts de marché. Nous devrions sans problème pulvériser notre record de 2012 et dépasser les 1,5M$ de CA cette année sur le sol américain. Nous y totalisons déjà plus de 30 partenaires qui nous font confiance et élargissons actuellement le réseau d’agences et freelances, un excellent indicateur lui aussi.
Justement, sais-tu à quel moment Prestashop USA fera un plus gros CA que Prestashop Europe ?
Bruno Lévêque : Nous visons 1,5M$ cette année aux USA pour un total de 8M€ de CA dans le monde. Il est peu probable que les USA dépassent un jour l’Europe en terme de CA pour PrestaShop, car l’Europe continue de se développer à un rythme très soutenu. Il ne s’agit pas d’une compétition.
En Europe, nous connaissons également une forte croissance à l’Est. La pénétration du logiciel en Russie, Pologne et Ukraine explose depuis 6 mois. Nous avons participé la semaine dernière a un salon et une conférence a Poznan (Pologne) et continueront d’avoir une présence active sur ces marchés.
Notre antenne aux USA est avant tout un bureau commercial. Elle sera toujours un wagon important, mais la locomotive restera la France, et par capillarité l’Europe. Nous avons d’ailleurs recruté des responsable pays (Pologne, Russie…) dans nos bureaux de Levallois. Notre ambition est clairement internationale, aux USA nous avons également trois responsables pays (Canada, Brésil et LATAM).
En quoi les approches sont-elles différentes aux USA par rapport à la France ou à l’Europe ? On aurait tendance à penser que tu trouverais les bonnes pratiques aux USA, puis les dupliquerais en France. Est-ce vraiment le cas ?
Bruno Lévêque : En fait, cela va dans les deux sens. Par exemple aux USA nous proposons des contrats de support annuels qui offrent une tranquillité d’esprit aux marchands (ils appellent lorsqu’ils en ont besoin) ; là ou en France nous ne proposions jusqu’à ce jour que des tickets d’intervention (usage unique). Fort du retour d’expérience américain (plusieurs centaines de contrats vendus), nous allons proposer une offre similaire en France prochainement.
En France, nous avons innové en proposant à nos agences partenaires de développer certains modules natifs gratuits. Le module eBay France a par exemple été développé par 202-Ecommerce, que tu as aussi interviewé ce mois-ci. Dans ce cas, c’est donc le système français qui va être répliqué aux USA.
Rien de mieux que de partager nos best practices.
Ce n’est pas un pays plus que l’autre qui apporte les bonnes idées ou les bons process. Les deux sont les têtes chercheuses de PrestaShop et créent une émulation positive.
Tu t’es basé aux USA. Comment gères-tu ton temps entre tes deux bureaux ?
Bruno Lévêque : Je passe 5 à 10 jours par mois en France. Je rencontre nos partenaires, des marchands, je travaille avec les développeurs et avec mon conseil d’administration. C’est bien-sûr à chaque fois très chargé, mais cela reste un plaisir de garder le contact avec la France.
Ceci est rendu possible par le fait que pendant ce temps-là, j’ai une équipe solide aux USA, d’une quinzaine de personnes, et qui continue à avancer en parallèle. C’est un rythme à prendre, mais cela est très bénéfique pour PrestaShop si l’on souhaite profiter du meilleur des deux implantations.
Vous visez combien de boutique PrestaShop aux USA ?
Bruno Lévêque : Nous avons un tiers du marché en France, il va être difficile de répliquer cela aux USA même si nous en rêvons. Nous sommes des nouveaux entrants, le marché est très concurrentiel, nos concurrents ont levé beaucoup de fonds et, enfin, le marketing américain est beaucoup plus agressif ici que ce que nous connaissons en France.
Notre objectif est d’atteindre la barre des 15% du marché, nous en serions très satisfaits. Nous estimons aux USA à 200.000 le nombre de boutiques e-commerce actives et ayant atteint une taille critique.
Les gens pensent souvent au rêve américain et ont tendance à me dire « là-bas tout est plus facile ». Même si il y a un fond de vérité, il y a beaucoup de travail et il faut délivrer pour rester dans la course. Nous sommes rentables et en autofinancement depuis Janvier 2012 aux Etats-Unis, je ne regrette en rien de m’être attaqué à ce challenge.
Lors d’une interview vidéo à FrenchWeb, tu avais annoncé PrestaShop comme le numéro 1 mondial.
Bruno Lévêque : Nous avons 135.000 boutiques actives dans le monde. Nos critères “active/non-active” sont très sélectifs, plus que ceux de nos concurrents. C’est d’ailleurs un point qui est apprécié lorsque nous rencontrons des investisseurs, nous sommes transparents sur notre méthodologie et nos chiffres.
Etant donné ces critères et notre croissance, je n’ai pas de problème à réaffirmer dans vos colonnes que nous nous considérons comme numéro 1 mondial de l’e-commerce Open-source. A noter que nous sommes également encore l’un des rares éditeurs à être resté indépendant.
Dans tous les cas, être 1er c’est bien… le rester c’est mieux ! Nous ne relâchons pas nos efforts et préparons de belles surprises à la concurrence.
Il y a quelques mois, PrestaShop a dû faire face à une tempête médiatique, jetant le doute sur sa pérennité et sa capacité à faire face à l’avenir.
Des accusations que beaucoup ont ensuite relayées sur Twitter et les blogs.
Pourtant, toi, pendant cette tempête, je t’ai toujours vu resté calme, détaché et concentré.
Bruno Lévêque : D’abord, un fondateur est comme un capitaine de navire. Son rôle est de guider l’équipage, qui lui accorde toute sa confiance. Si à la moindre vague venue il hésite, il doute, il tremble, à quoi bon ?
Et lorsqu’une grosse tempête arrive, mon rôle est donc au contraire de rassurer les équipes, de les mettre en ordre de bataille et d’y faire face avec la meilleure stratégie possible, dans la sérénité.
Ces moments-là sont un test pour l’équipe et le capitaine.
Bruno Lévêque : Oui. Tu es obligé d’avancer et faire abstraction des mauvaises langues :
Se mettre au travail, c’est toujours la seule chose à faire.
L’équipe a suivi.
Les gens me demandent comment on a fait. La réponse est simple et toujours la même : l’équipe s’est vraiment beaucoup donnée et a redoublé d’efforts pour satisfaire nos marchands et partenaires.
Nos chiffres étaient en progression, notre objectif était surtout de réduire la voilure. C’est ce que nous nous sommes attachés à faire, rien d’autre.
Surtout que je savais qu’une nouvelle étape m’attendrait ensuite : la stabilisation de la v1.5.
Aujourd’hui, après avoir douloureusement réduit les effectifs (et c’est toujours très douloureux), nous affichons 30% de croissance et des finances à l’équilibre.
Et puis, dans tous ces articles et forums, il y avait aussi du vrai. Quand bien-même ce n’était que 10%, il y avait toutefois matière pour nous améliorer, ce que nous avons fait. Rester humble, être à l’écoute, toujours ; c’est aussi la clé pour progresser.
De manière générale, pour conclure, il ne faut pas sur-réagir, et se remettre au travail. Si on ne s’était pas focalisé sur les objectifs clés, on serait peut-être allé dans le mur, et l’équipe nous l’aurait reproché à juste titre.
Parlons de l’époque Christophe Crémer. Comme beaucoup de gens, je considère que c’est l’époque durant laquelle PrestaShop a atteint son point d’inflexion, qu’il a percé le marché via une communication très forte.
Aujourd’hui, Christophe Crémer parti, on a l’impression que la communication PrestaShop s’est repliée sur elle-même.
Bruno Lévêque : Christophe était un roi du marketing, c’était une qualité indéniable. Depuis avril 2012, je forme désormais un nouveau tandem avec Benjamin Teszner. Tout se passe pour le mieux, nous sommes complémentaires et lui aussi a de nombreuses qualités !
Nous avons en effet décidé de lever le pied concernant notre communication en France pendant quelques mois afin de repartir de plus belle. Benjamin et moi nous concentrons avant tout sur l’efficacité de cette communication (Trafic, taux de transformation, créations de boutiques).
Si tu fais allusion aux Barcamps (France et USA), ils permettent effectivement de créer une image de marque forte mais nécessite de couteux investissements. Nous avons à la place organisé de nombreux Meetups, petits déjeuners et autres rencontres (Prestaperos). En 2012, plus de 110 évènements ont été organisés par PrestaShop dans le monde.
Nous aimerions organiser un Barcamp en France, probablement fin 2013 ou début 2014. Le contact avec nos utilisateurs et notre écosystème reste très important à nos yeux.
Tous les mois je rencontre désormais des marchands et j’écoute leur histoire. Cela me permet d’améliorer le logiciel dans les versions à venir et de rédiger des success stories pour que d’autres marchands soient sucessful à leur tour. C’est également une approche que partage Yohan Ruso, l’ancien DG d’eBay France, qui a rejoint le conseil d’administration de PrestaShop récemment.
Enfin, notre communication est internationale. Si la communication en France semble s’être réduite, c’est en fait car nous souhaitons satisfaire l’ensemble de notre communauté et rayonner mondialement.
Avec tout ça, quel est donc l’avenir de PrestaShop ?
Bruno Lévêque : Beaucoup de nouveautés arrivent, et nous allons fortement communiquer dessus.
La v1.6 devrait faire beaucoup parler d’elle, et apportera aux marchands une plus grande facilité d’utilisation et de pilotage de leur activité au quotidien.
J’en profite pour préciser que j’ai pu entendre çà et là parler d’une v2 en Juin 2014. Ceci n’est pas au programme et je confirme aux lecteurs de Blog-Ecommerce qu’il ne serait pas réaliste pour nos équipes de proposer une telle version en si peu de temps. Nous souhaitons prendre le temps de la réflexion et travailler main dans la main avec les marchands. Donc aucune date, et encore moins Juin 2014, n’est arrêtée pour notre v2.
La seule chose que je peux confirmer c’est qu’elle marquera un grand tournant dans l’histoire de PrestaShop, nous y travaillons activement et communiquerons officiellement en temps utile.
Merci Bruno pour tous ces éclaircissements.
Quels mots pour conclure ?
Bruno Lévêque : Déjà un merci à l’équipe Blog-Ecommerce pour cette interview et merci à ton équipe SEO pour leurs audits du natif PrestaShop.
Vos recommandations aident les utilisateurs de PrestaShop dans leur référencement naturel et leur fait faire de grandes économies.
Chaque release, depuis la 1.4.6, comporte des améliorations SEO auditées par l’équipe Blog-Ecommerce, et nous veillons à les appliquer à chaque fois le plus vite possible.
Enfin, j’invite tous les marchands à tester notre logiciel. Logiciel que notre équipe améliore chaque jour, à chaque release et toujours en phase avec les demandes et les innovations du marché.
Bonne ventes à tous !
Bruno Lévêque, Co-fondateur et CEO Prestashop Inc.