La vente de mon site ecommerce de matériel de sono a eu lieu, comme je le disais, le 8 Décembre 2010. Il y a donc 4 mois.
La décision de vendre ce site, que j’ai monté il y a 4 ans, n’est pas venue comme une évidence. Au contraire, malgré les conseils que l’on me donnait, je n’imaginais pas un seul instant me séparer de mon ecommerce.
3 raisons m’ont fait changer d’avis. La dernière de ces 3 raisons aura finalisé de me convaincre, me démontrant que, peut-être, j’aurais dû me satisfaire des 2 premières…
1ére raison: le manque de temps…
En tout, seul ou associé, il y a 3 sociétés, plus ou moins faciles à gérer: Platine, Blog-Ecommerce SARL et, enfin, Shopping-Flux, qui s’est ajoutée il y a presque 1 an.
Aujourd’hui, avec une dizaine d’employés, cela demande une importante gestion.
Mais le manque de temps ne date pas d’hier. En fait, il date de la création de Platine et Blog Ecommerce, fin 2006.
Vous allez voir dans cette histoire comment un “manque de temps” peut se transformer en une visite chez le docteur.
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C’était la première année d’activité: entre fin 2006 et fin 2007. J’étais en colocation, et j’avais investi mes 4 ou 5.000 euros pour monter 2 sociétés: cet ecommerce de vente de matériel de sono, et une agence de SEO pour ecommerce, Blog-Ecommerce.com.
J’ai monté les 2 car je ne savais pas si l’agence Blog-Ecommerce allait trouver son public, et avec un ecommerce à côté, j’étais assuré d’avoir au-moins de l’argent qui rentrait tous les mois.
Les 2 activités ont rapidement généré des appels et du chiffre d’affaire, et mes journées étaient bien remplies. J’étais ravi.
Mais j’alternais les appels pour vendre des platines DJ, avec des RDV téléphoniques avec les clients SEO de Blog-Ecommerce. Une schizophrénie qui aura eu ma peau. Surtout que la première année d’activité, je n’externalisais pas encore la logistique de mon ecommerce, et je faisais donc les cartons et les envois à LaPoste: mes mains portaient les traces des coups de cutters ratés, et mon dos, ceux des kilos que je portais chaque jour…
On retrouve d’ailleurs des articles faisant références à cette période dans ce blog.
Un soir, à une heure du matin, ma coloc rentre et me trouve dans le salon les yeux vitreux et les mains tremblantes: “il faut que tu prennes des vacances…” me dit-elle. Un rapide coup d’œil sur les cartons qu’il restait à faire lui fit réaliser que les vacances allaient attendre encore un peu.
Mais un mois après, alors que je portais toujours sur le visage les traces d’une fatigue et d’un stress inquiétants, que le téléphone sonnait au rythme de réception des emails, sans limite, et ce, du matin au soir, la sanction est tombée: “Je t’ai pris un rendez-vous chez le médecin tout à l’heure à 18H. Si tu n’y vas pas, il te faudra annuler…“.
Le médecin ? Pour quoi faire ?
J’y vais sans conviction, me disant que, de toute façon, il ne me trouvera pas de remède miracle, je le sais…
Si seulement j’avais eu tord…
Le médecin me demande des nouvelles de Caroline, ma coloc: “Et comment va Caroline ? Toujours en train rentrer à pas d’heure ?”,
“Caro ? Ha oui, elle va bien… heu … rien de spécial, je crois… Ça va…”
En fait, j’en savais rien, et ça, le médecin l’a bien compris: je suis ailleurs… la séance a déjà commencé en fait…
Je lui raconte ma situation, et, même s’il ne comprend pas pourquoi je lui parle de vente de platine DJ et de référencement naturel sur Google, il comprend une chose très vite:
“Je suis un workaholic, un drogué du travail, c’est ça docteur ?”
“Hélas non .. C’est pire…”
“Je suis déprimé ?”
“C’est pas aussi simple non plus…”
“Mais ça se soigne quand-même ???….”
“Pas comme vous l’imaginez.”
Et là, je me souviens qu’il s’est lancé dans une diatribe du genre:
“Monsieur, vous êtes devenu prisonniers de votre société, de vos prospects et clients, de ceux qui vous appellent, de ceux qui vous envoient des emails, de ceux qui sont contents et de ceux qui sont pas contents. De ceux qui vous font confiance, et de ceux qui vous sont méfiants. Votre cerveau reçoit trop d’informations chaque jour, et a décidé de ne plus les traiter. De ne plus les traiter du tout. Il ne fonctionne plus normalement, parce qu’il a décidé de se mettre sur OFF. Le problème, c’est que votre téléphone sonne sans arrêt, vos recevez plus d’emails que vous ne pouvez en traiter, et en plus, vous faites de la manutention: vous êtes un esclave. Vous êtes peut-être un esclave bien payé, mais vous êtes un esclave.”
“… Esclave… Mais ça se soigne quand-même … ? ….”
“Votre cerveau c’est comme un ordinateur: parfois, il faut faire RESET. Vous, vous n’avez pas fait RESET depuis des mois. Mais vous ne pouvez pas stopper, car vous êtes dans une machine qui, chaque jour, vous ajoute du travail, alors que vous n’avez pas fini le travail de la veille. J’ai connu des esclaves en meilleure santé que vous, croyez-moi…
Vous n’avez aucun répit. C’est de toute façon intenable pour n’importe quel humain. Et je n’ose même pas vous demander si vous avez une alimentation équilibrée…”
“…”
Mais ce n’était que le début de ce difficile bilan psychique. Le pire restait à venir…
“Je devine que vous ne faites plus aucun rêve la nuit, et que vous ressassez les mêmes choses sans pouvoir vraiment vous reposer ? Ce que vous devez faire, ce que vous n’avez pas eu le temps de faire, etc… Et bien cela est la preuve que votre cerveau ne fait plus de RESET. Il refuse de traiter plus d’information et est en sur-régime 24/24, 7j/7. Cela fait des mois que votre cerveau ne dort plus, quand bien même vous avez l’impression de dormir la nuit : votre cerveau lui, il continue à tourner sans arrêt, comme un ordinateur qu’on éteint jamais.”
Je me souviens avoir été ébahit en pensant à un cerveau qui, comme un ordinateur, surchauffe des jours et des nuits entières jusqu’à ce que quelqu’un veuille bien appuyer sur RESET….
Je suis enfermé dans un cercle vicieux de toujours plus de travail et de demandes, toujours plus d’informations, toujours plus d’emails et plus de cartons, toujours plus de problèmes, j’ai un cerveau en sur-régime et qui ne fait plus de rêve. Je ne suis pas juste un drogué du travail, je ne suis pas juste déprimé, je ne suis pas seulement fatigué, je n’ai pas seulement des courbatures ou mal à la tête… Non, rien de tout cela. Ça aurait été trop simple…
La phrase, le symptôme est tombé comme ça:
“Mr Levy, je ne peux rien pour vous. Vous faites un burn-out !”
Point ! C’est tout. Comme ça. Terminé !
Burn-out ……… point barre.
C’est étonnant comme des mots que vous entendez pour la première fois peuvent vous paraître familier.
Un burn-out….
Au-moins, j’ai pu mettre un nom sur ce qui m’arrive : burn-out !
Un mot que je pourrais presque trouver cool.
Ceux à qui c’est déjà arrivé savent de quoi je parle: cela n’a rien de drôle sur le moment et on ne trouve pas d’issue de sortie, à moins de moins bien faire son job, de recruter la personne parfaite et opérationnelle dans la seconde, d’apprendre à déléguer, lâcher prise, etc… bref… tout ce que votre cerveau en sur-régime ne sait pas faire.
Pour info, un an après, je ferai un deuxième burn out. Plus petit cette fois-ci : je l’ai senti venir.
Mais rien n’a jamais transparu sur ce blog, parce que j’aime trop le ecommerce pour me plaindre une seule seconde de ce que je fais chaque jour avec mon équipe.
Mais faut pas rêver: on ne fait pas tout ce que nous faisons (ce blog+twitter, une forte expertise SEO, les séminaires, les formations, Adwords, Shopping-Flux/eBay/Amazon/etc.., notre ancien site ecommerce, les relations partenaires, les clients/les prospects/les devis, la veille technologique, les recrutements, la concurrence dans tous les sens et de partout…) sans y laisser des plumes.
Aujourd’hui, nous sommes structurées avec une équipe en qui j’ai une totale confiance, et je suis donc théoriquement à l’abri du burn out.
De retour du médecin, pour finir la petite histoire, ma coloc m’attend à l’apart:
“Alors, il t’a donné des médocs ?”
“… Des ampoules de magnésium …”
“Quoi ??!! Des ampoules de magnésium avec la tête que t’as et tes mains qui tremblent tous les soirs ? C’est que t’as un truc hyper grave, genre y’a pas de médicaments qui existent…”
“Je fais un burn out.”
“Un quoi ?? Burning out ??”
“Un burn out. Mon cerveau s’est mis en sur-régime sans que je ne le lui autorise. Je peux rien y faire…”
” Ha ouhais…. j’savais pas que ça pouvait faire ça un cerveau. C’est chaud… Tu vas faire quoi ??”
“Ben tu veux que je fasse quoi ……”
C’est à ce moment-là que le téléphone se met à sonner… Après tout, il est 19H… pourquoi devrait-il s’arrêter ?… C’est vrai quoi… Aucun répit je vous dis…
Le regard de Caroline se tourne vers moi, puis vers le téléphone. Puis encore vers moi. “Répond pas !” me demande-t-elle, les yeux ronds.
On attend alors que le téléphone arrête de sonner… On reste comme ça.
J’entends la musique techno à fond qui sort de la chambre de Caro. Je ne sais plus où je suis, et j’ai envie de tout laisser tomber.
“Et puis, me dit-elle avec une petite voix et me tendant un post-it avec 2 numéros de téléphones marqué dessus. Il y a 2 personnes qu’il faut que tu rappelles. Y’en a une qui veut des infos sur une platine DJ et l’autre c’est un ecommerçant pour ce que tu fais sur Google.”
J’ai la tête dans les mains et le souffle court. Je ne sais plus quoi faire. Mon cerveau est bien en sur-régime. Un burn out c’est violent et déstabilisant, car votre corps est présent, mais votre cerveau bloque tous les accès autres que les fonctions minimales. Vous ne pouvez rien faire.
Vous cherchez le bouton RESET alors que vous ne trouvez aucune issue possible.
Je voulais être loin du téléphone, loin de mes emails, de Google, du SEO, des platines DJ et de cette musique techno qui me coupe le souffle: “Putain Caro, depuis quand t’écoutes de la techno !!! Sérieux…”
“Bouge pas, je vais changer. J’ai Pulp Fiction. Tu veux écouter Pulp Fiction ?”
Je regarde le post-it:
“C’est laquelle qui veut du Google ?“.
Elle reprend le post-it…
“Heu… je sais pas…. J’ai pas pensé à noter… T’as qu’à appeler les 2……. Tu verras bien, non ?…”
“Caro, j’t’ai déjà expliqué que ce sont 2 boites différentes ….”
Je reprends le post-it le déchire, débranche le téléphone, éteins l’ordinateur. Terminé !
Il est 19H. Je vais me coucher . “Ça attendra demain.” je me suis dit… Je m’en fous…… J’en ai marre, j’peux plus. Demain ça ira mieux.
Je me suis couché avec une boite d’ampoules de magnésium bien inutile au pied du lit, et, en tête, ce mot qui me revient sans arrêt au rythme de la musique de Pulp Fiction qui sort de la chambre d’à côté : “burn out !!”
… jusqu’à ce que je tombe, pour la première fois depuis longtemps, de sommeil …
“burn out” … il est cool, ce mot…
….
Cette nuit-là, je me souviens, j’ai recommencé à faire des rêves.
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Voici la suite:
Pourquoi ai-je vendu mon Ecommerce (Part 2/3)”
Pourquoi ai-je vendu mon Ecommerce (Part 3/3)”